Ce chapitre du cours détaille l'utilisation et surtout le gréement du spi sur catamaran.
Le spinnaker (ou spi) est une voile d'usage temporaire utilisée uniquement au portant (largue, grand largue, vent arrière). Quand on dit qu'on grée la grand'voile, c'est qu'on installe les cordages et qu'on la hisse tout de suite, puis on part sur l'eau. Pour dégréer, on affale la grand'voile et désinstalle les cordages. Pour le spi, il n'en est pas de même. Gréer le spi consiste à installer tous les cordages. Puis on part en navigation. Une fois seulement au portant, on "envoie" le spi pour quelques minutes. Dès qu'on souhaite changer d'allure, il faut affaler le spi. De retour de navigation, on dégrée le spi.
Le terme de "spi" désigne initialement les spinnakers. Les spinnakers sont des voiles symétriques en forme de cloche coupée en deux par un plan vertical. Ces voiles sont anciennes et n'ont jamais été adaptées à des catamarans : leur utilisation requiert une manœuvre complexe à chaque empannage : il faut décrocher le tangon et l'installer de manière à ce qu'il soit toujours du côté au vent du bateau. Ici, par le terme de spi nous désignerons abusivement les gennakers, terme presque synonyme de "spi asymétrique". Ces voiles ressemblent plus à des énormes focs souples et creux. Le tangon, quant à lui, est une barre fixe toujours orientée dans l'axe sagittal vers l'avant. Le spi sera empanné un peu comme le foc, sans permutation entre le point d'amure et le point d'écoute.
La première partie explique le gréement, l'envoi et l'affalement du spi en fonction de son installation. La deuxième partie détaille les manœuvres sous spi.
Votre serviteur vous indique également comment fabriquer soi-même un kit spi sur la page Fabriquer son kit spi.
Nous distinguerons TROIS types d'installation du spi :
Le gréement est simple : le spi étant en vrac dans son sac, se positionner debout devant le bateau et relier chacun des trois coins à son cordage :
Puis il faut choisir une amure, qui est la première amure sur laquelle on pense envoyer le spi pour la première fois lors de la navigation. On prend alors le spi en vrac dans les bras, en étant devant le bateau, puis on amène le tout sur le trampoline en passant dans le polygone formé par les écoutes de foc, le mât et la poutre avant. On passera du côté opposé à l'amure choisie.
Commentaire systématique du schéma :
On ne pourra envoyer le spi que sur l'amure choisie, c'est-à-dire lorsque le vent vient du côté opposé où se trouve le spi. De plus, le spi ne pourra être envoyé qu'au vent arrière ou au grand largue. Il faut alors très rapidement à la fois hisser le spi, et le faire avancer à la main dans le polygone formé par les écoutes de foc, le mât et la poutre avant. Le spi sera hissé en butée, mais sans pour autant que son guindant soit totalement rectiligne. Cette tâche occupe entièrement l'équipier, et il est très difficile d'envoyer un spi depuis un sac en solo.
On conseillera autant que possible d'enrouler le foc avant même d'envoyer le spi, car il devient totalement inutile, et le travail de l'équipier en sera simplifié.
Il est possible d'affaler le spi sous une amure qui est ou non l'amure de départ. Pour ce faire, il faut impérativement se positionner en vent arrière. Il est impossible et risqué pour le spi lui-même d'affaler à une autre allure. L'équipier décroche la drisse de son taquet, laisse filer la drisse sans choquer l'écoute de manière à attraper le point d'écoute. Puis il lâche l'écoute et embraque le spi en le faisant bien passer dans le polygone formé par les écoutes de foc, le mât et la poutre avant. Si le bateau n'est pas au vent arrière, ou si l'équipier synchronise mal ses deux gestes, le spi peut se coincer en divers endroits. il appartient alors à l'équipier de le décoincer. Attention, pour le prochain envoi vous devrez être sur la même amure que pour l'affalement courant.
Le gréement est plus complexe. A terre, relier chacun des trois coins ainsi que les anneaux d'affalement à son cordage :
Il faut ensuite tester le tout : mettre le catamaran (sans grand'voile) au vent-arrière, envoyer le spi à la main, et vérifier que tout va bien. On peut aussi simuler un empannage à terre pour vérifier sur l'autre amure. Si les choses ne conviennent pas, on peut généralement simplement défaire les écoutes "en l'air" et les repositionner. Ce test étant parfois délicat, on pourra ensuite laisser le spi gréé en place dans son avaleur durant toute la saison.
Commentaire systématique du schéma :
On pourra envoyer le spi sur n'importe quelle amure. Le spi ne pourra être envoyé qu'au vent arrière ou au grand largue. Il suffit à l'équipier de tirer très rapidement sur la drisse, en laissant dans le même temps cette dernière filer sous le trampoline (sinon le spi est retenu dans l'avaleur). Le spi sera hissé en butée, mais sans pour autant que son guindant soit totalement rectiligne. L'équipier prend ensuite l'écoute de spi en main.
On conseillera autant que possible d'enrouler le foc avant même d'envoyer le spi, car il devient totalement inutile, et le travail de l'équipier en sera simplifié.
Généralement, on ne peut affaler le spi que sur une amure précise. Cette amure dépend de la manière dont les anneaux d'avalage ont été montés sur la voile elle-même : c'est généralement une chose qui est fixée "une fois pour toute". Il faut en effet être sur l'amure qui fait passer la drisse d'avaleur derrière le spi, et non devant le spi. Pour cette raison, on pourra empanner spécialement pour affaler, puis empanner de nouveau : l'affalement étant très rapide avec un avaleur, c'est un compromis acceptable.
Il faut impérativement se positionner en vent arrière. Il est impossible et risqué pour le spi lui-même d'affaler à une autre allure. L'équipier décroche la drisse de son taquet, puis tire sur la partie de drisse qui part sous le trampoline, en laissant l'autre partie filer vers l'avant. Si le bateau n'est pas au vent arrière, ou si l'équipier synchronise mal ses gestes, le spi peut se coincer en divers endroits. il appartient alors à l'équipier de le décoincer. Il faut tirer assez fort sur la drisse, tout en regardant bien ce qui se passe pour éviter de déchirer le spi s'il se coince en route. Pour mémoire, on pourra ensuite envoyer le spi sous n'importe quelle amure, quelle que soit l'amure de l'affalement courant.
Les spi sur enrouleur sont très récents (2010) et ont été introduits pour la première fois sur le Hobie Cat Pearl, le catamaran de raid par excellence. Ce sont des spi nettement plus plats que les spi asymétriques habituels. On ne parlera plus d'envoyer et d'affaler le spi, mais respectivement de le dérouler et de l'enrouler.
Le spi est simplement monté comme le serait un foc sur enrouleur. On le grée entièrement, puis on l'enroule. Une fois enroulé, le spi peut également être affalé ou hissé tel quel.
Commentaire systématique du schéma :
Il suffit de se mettre au portant et de décoincer la drisse de l'enrouleur de spi. L'équipier prend ensuite l'écoute de spi en main.
Pour les mêmes raisons que précédemment, on conseillera autant que possible d'enrouler le foc avant d'envoyer le spi.
Pour limiter les efforts sur la matériel, on recommandera d'enrouleur le spi en vent arrière ou au grand largue, quelle que soit l'amure. Il suffit de relâcher les écoutes et de tirer sur le bout de l'enrouleur.
Le tableau ci-dessous compare les différentes modalités de gréement.
Configuration | Amure pour envoyer le spi | Amure pour affaler le spi | Utilisation solitaire | Risque de coincer le spi lors des manœuvres | Coût de l'installation |
---|---|---|---|---|---|
Sac sur le trampoline | Contrainte : celle choisie au gréement, ou celle de l'affalage précédent |
Libre | Très difficile | Très important | Faible |
Avaleur de spi "trompette" | Libre | Plutôt contrainte : celle imposée par la configuration des anneaux sur le spi |
Possible | Relativement important | Élevé |
Spi sur enrouleur | Libre | Libre | Facile | Inexistant |
Moyen |
Sous spi, vous pouvez manœuvrer librement, sans toutefois jamais remonter au vent. De manière générale, le spi donne une plus grande puissance au vent arrière mais surtout au grand largue. L'utilisation du spi ne rend pas caduque, loin s'en faut l'intérêt du gain sous le vent (voir le chapitre Louvoyage, gain au vent, gain sous le vent). Le spi sur enrouleur, en étant plus plat, est plus faible au largue mais permet de mieux remonter au travers.
Truc pratique : il est possible d'utiliser le spi par vent exceptionnellement faible (0 à 2 Beaufort) pour "booster" le catamaran au vent de travers voire au petit largue (entre le près et le travers). Il suffit pour cela de bien tendre la drisse pour raidir le guindant. On pourra même s'autoriser dans des conditions extrêmes à hisser le spi au vent de travers, sans dommage. On notera qu'un spi ne peut fonctionner par vent faible que si ses écoutes sont suffisamment légères.
Par vent médium, le spi ne permet plus de remonter au vent. Néanmoins, en cas d'urgence, il est toujours possible de choquer totalement le spi et de remonter au près à l'aide de la GV, pour éviter un obstacle par exemple. Le spi faseillera bruyamment mais c'est sans dommage.
Le réglage du spi est intuitif : choqué au vent arrière, bordé au travers, il doit être maintenu "à la limite du faseillement" : si le spi ne faseille pas, essayez de le choquer jusqu'à ce qu'il faseille, puis rebordez un peu pour éliminer le faseillement, mais le minimum possible. Il est strictement interdit de mettre l'écoute au taquet, ce serait trop dangereux. Si le bateau enfourne ou gîte, on doit choquer le spi en grand. Si le barreur a le choix de son cap, il doit retenir que l'abattée diminue la puissance du spi, exactement à l'inverse des réflexes acquis pour la grand'voile.
L'empannage sous spi est sans particularité. Si la contre-écoute de spi passe en arrière du spi, l'équipier doit forcer le passage du spi dès que possible. Si au contraire la contre-écoute de spi passe en avant du spi, ce qui est conseillé en solo, l'équipier doit bien choquer l'écoute, laisser le spi partir en avant au vent arrière, puis reprendre la contre-écoute après seulement.
Le virement de bord et l'arrêt à la cape sont théoriquement impossible sous spi. En cas d'urgence, il est toutefois possible de lâcher entièrement le spi et "faire le nécessaire", dans quelque direction que ce soit, voire de virer de bord pas très proprement. Le spi faseille très bruyamment, mais ce n'est pas dangereux.